Et si une simple échographie ne se limitait pas à une image ? En Tunisie, c’est un équilibre fragile entre la science et l’émotion, la surveillance médicale et les battements de cœur rassurés des futurs parents. Prêts à découvrir ce qui se joue vraiment derrière l’écran ?
La Tunisie suit les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en matière de suivi prénatal, garantissant ainsi une meilleure prise en charge des futures mamans et de leurs bébés. En 2016, l’OMS a revu ses recommandations, faisant doubler le nombre de consultations prénatales de 4 à 8, afin de renforcer la prévention des risques prénatals et d’assurer un suivi plus étroit des grossesses.
En Tunisie, ce suivi inclut un accès quasi-systématique aux échographies, qui sont réalisées pendant les consultations prénatales, sans frais supplémentaires. Ce modèle, bien ancré dans le système de santé tunisien, soulève néanmoins des débats parmi les futures mères : certaines y voient une « surmédicalisation » de la grossesse, tandis que d’autres trouvent cette approche rassurante.
Pourquoi plus de consultations prénatales ?
L’augmentation du nombre de consultations prénatales de 4 à 8 par l’OMS s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, il s’agit de réduire les complications liées à la grossesse et à l’accouchement. Un suivi plus fréquent permet de détecter rapidement les éventuels problèmes de santé chez la mère ou le fœtus, comme l’hypertension, le diabète gestationnel ou les anomalies de croissance du bébé.
D’autre part, le profil des femmes enceintes a évolué. Aujourd’hui, beaucoup de femmes attendent plus longtemps avant d’avoir des enfants. En Tunisie, comme ailleurs, l’âge moyen des femmes à l’accouchement a augmenté, et les grossesses tardives présentent des risques plus élevés de complications. Par exemple, le taux de grossesse arrêtée à 25 ans est de 5%, tandis que c’est 3 à 4 fois plus à 35 ans et 5 à 6 fois plus à 40 ans. En raison de ce facteur, la surveillance médicale accrue s’avère cruciale pour garantir une grossesse en bonne santé.
Par ailleurs, les familles modernes tendent à avoir moins d’enfants, souvent un ou deux. Dans ce contexte, les parents souhaitent assurer un suivi optimal avec un « maximum de garantie et zéro défaut », selon un gynécologue échographiste, qui a souhaité rester anonyme. Cette volonté de perfection dans l’accompagnement de la grossesse explique en partie la demande croissante de consultations prénatales et d’échographies, permettant aux parents de vivre cette expérience avec plus de sérénité.
La gratuité des échographies prénatales
Les 8 consultations prénatales recommandées par l’OMS n’impliquent pas forcément la réalisation d’une échographie. Ces visites sont avant tout des examens médicaux visant à s’assurer du bon déroulement de la grossesse, en vérifiant des indicateurs tels que le poids de la femme enceinte, sa tension artérielle, et la hauteur utérine pour suivre la croissance du bébé. Contrairement à d’autres pays où les échographies sont souvent facturées en supplément, en Tunisie, elles sont incluses dans le prix des consultations prénatales. Cela signifie que chaque femme enceinte peut bénéficier de plusieurs échographies sans avoir à s’inquiéter des coûts supplémentaires. Ce système permet à la majorité des femmes tunisiennes, quelle que soit leur situation économique, de bénéficier d’un suivi de qualité tout au long de leur grossesse.
Dans plusieurs pays européens ou nord-américains, les échographies, et notamment celles de contrôle, sont facturées séparément, souvent à des prix élevés. Cette barrière financière peut limiter l’accès à ces examens pourtant cruciaux. En Tunisie, la gratuité relative de ces échographies prénatales est perçue comme un avantage, garantissant un suivi rigoureux pour toutes les futures mamans.
« En Tunisie, les patientes bénéficient de l’accès gratuit à l’échographie à chaque consultation. Ce service est payant dans d’autres pays. L’échographie ne présente aucun danger pour la grossesse. Elle peut être faite tous les jours sans aucun effet secondaire. », nous assure le même gynécologue.
Saima Ben Jaâfar – Portrait d’une femme tunisienne ayant accouché en Suède et en Tunisie
Lire notre article : Échographies prénatales : Ce que vous devez absolument savoir
Grossesse démédicalisée : le modèle Suédois
Le modèle prénatal tunisien, avec des échographies régulières et un suivi étroit, conformément aux recommandations de l’OMS, se distingue d’autres approches, comme celle pratiquée en Suède. En Suède, la grossesse n’est pas perçue comme un état nécessitant une surveillance médicale excessive, tant qu’elle se déroule normalement. Dans ce pays, les consultations prénatales sont réduites au strict minimum, avec seulement quelques échographies réalisées tout au long de la grossesse. L’idée sous-jacente est de ne pas médicaliser une grossesse en bonne santé, et de faire confiance au processus naturel de gestation.
Cette philosophie suédoise repose sur le principe que la plupart des grossesses ne nécessitent pas de suivi médical intensif, tant qu’il n’y a pas de signe d’anomalie ou de complication. « Les femmes enceintes sont encouragées à vivre leur grossesse de manière plus détendue, sans le stress de consultations fréquentes ou d’examens répétés, à moins que des raisons spécifiques ne l’imposent », nous partage Saima Ben Jaâfar, maman de deux enfants. Saima a accouché de son premier enfant en Suède et de son deuxième en Tunisie, où elle a pu relever plusieurs différences dans la prise en charge et les pratiques médicales.
Le modèle suédois contraste fortement avec celui observé en Tunisie, où l’augmentation du nombre de consultations et d’échographies vise à maximiser la prévention et à offrir aux futures mamans une surveillance étroite.
Perception des futures mamans
La multiplication des échographies et des consultations prénatales divise les futures mamans en Tunisie. Certaines estiment que ce suivi intensif s’apparente à une surmédicalisation de la grossesse, une période qui, selon elles, devrait être plus naturelle et moins focalisée sur l’aspect médical. Pour ces femmes, le recours systématique à la technologie et à des examens fréquents peut générer de l’anxiété ou l’impression que la grossesse est une source permanente de risques.
À l’inverse, d’autres trouvent cette approche rassurante. Elles apprécient d’être suivies de près et de pouvoir voir régulièrement leur bébé à travers les échographies. Comme nous le confie Sarra Souissi, maman, avec le sourire « Je n’aurais pas attendu 3 mois pour voir si bébé va bien … surtout au début de la grossesse lorsque bébé ne bouge pas. La crainte est énorme… À part les échographies trimestrielles, on la taquinait un peu pour voir son rythme cardiaque et lui rendre visite ».
Pour cette future maman et d’autres encore, la fréquence des examens prénatals est perçue comme une manière de mieux anticiper les éventuels problèmes et d’agir rapidement si des anomalies sont détectées. « Je préfère le contrôle continue car il me rassure sur le développement de mon bébé. J’ai fait cela pour mes 2 grossesses », précise Syrine H. sur son choix de maman de suivre les recommandations de l’OMS.
Ce sentiment de sécurité contribue à réduire leur stress tout au long de la grossesse.
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Je préfère le contrôle continue car il me rassure sur le développement de mon bébé. J’ai fait cela pour mes 2 grossesses.
Échographies 3D, 4D : outil médical ou simple marketing ?
En plus des échographies classiques, on observe en Tunisie une demande croissante pour les échographies 3D et 4D. Ces techniques permettent d’obtenir des images et vidéos très réalistes du fœtus, et plus particulièrement de son visage. Cependant, il est important de souligner que ces échographies n’ont aucune valeur médicale supplémentaire. Leur principal attrait réside dans la capacité à offrir aux parents un « cliché souvenir » de leur bébé avant même sa naissance.
Beaucoup de professionnels de santé et d’observateurs qualifient ces échographies 3D et 4D de pures opérations marketing, car elles ne sont pas nécessaires pour le suivi médical de la grossesse. Elles répondent plutôt à un désir émotionnel des parents de créer un lien visuel avec leur bébé, et s’inscrivent dans une logique de consommation qui entoure parfois l’expérience de la maternité. « Des moments inoubliables lorsque je l’ai vue pour la première fois, elle avait la taille d’un petit pois. J’étais très émue à la deuxième échographie lorsque j’ai entendu les battements de son cœur. La 3ème échographie m’a permis de savoir que j’attendais une princesse, et la 4ème et dernière était une échographie en 4D, qui m’a permis de voir son beau visage. En revanche, il a fallu que j’interrompe l’échographie pour aller manger une sucrerie afin qu’elle bouge… J’en ai encore les larmes aux yeux en en reparlant aujourd’hui », Salma Hammami, maman de Kenza, 5 ans.
L’important à retenir est que ces échographies en 3D et en 4D sont également basées sur l’ultra son et sont donc sans danger sur la santé de la maman ni celle du fœtus. L’échographie 4D, à la différence de celle en 3D, contient en plus la variante « temps » et l’output est donc une vidéo. Les deux permettent de rendre l’échographie compréhensible des parents qui peuvent visualiser aisément leur enfant et faire le croisement avec les dires du médecin.
« L’échographiste n’est pas un photographe. S’il va avoir un « beau » cliché, il vous le donnera. Mais parfois, les conditions ne sont pas réunies pour obtenir ce cliché tant attendu par les parents. », dit Dr Zied Kamoun, gynécologue, échographiste exerçant dans le secteur privé.
En Tunisie, le système prénatal repose sur une approche qui vise à offrir un suivi complet aux futures mères, avec des échographies accessibles et incluses dans le prix des consultations. Dans tous les cas, l’essentiel est de s’assurer que les futures mamans bénéficient du soutien et de l’information nécessaires pour vivre leur grossesse dans les meilleures conditions possibles.